Le 17 novembre, tous derrière Bernard, automobiliste en colère !

« Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent plus pour que ça ne se vende pas »
(Coluche)

Derrière les grands évènements historiques se cachent de grands hommes (derrière lesquels se cachaient souvent de petites femmes, courbées sur leur manche à balai. Je dis « cachaient » car désormais, au nom de l’égalité des sexes, les petites femmes se tiennent au côté des grands hommes. Et derrière, le sol est dégueulasse.).

Le dernier exemple de grand homme français est le général De Gaulle (selon mon Papi, à la fin des repas de famille). Mais il semblerait que la relève pointe le bout de son nez. Bien entendu, il est encore trop tôt pour se prononcer, mais je suis prêt à parier que le nom de Bernard, automobiliste en colère, créateur de l’évènement Facebook « LE 17 NOVEMBRE BLOQUONS TOUT », restera dans l’histoire.

Que nous-dit Bernard, automobiliste en colère ? « Samedi 17 novembre, pays mort : c’est-à-dire ne faire aucun achat, n’aller dans aucune banque, ne pas se servir aux pompes à essence, ne pas dépenser un seul centime. Ne pas prendre de transport en commun, pas de péage, parking, autoroute, là, oui, on bloque ce qui emmerde le plus le gouvernement, c’est-à-dire le fric. »

En lisant ça, j’ai des frissons. Je saisis l’émotion qu’avait pu ressentir les français, accablés sous l’occupation allemande, lors de l’appel du Général De Gaulle le 18 juin 1940 : « Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. » Cette fois, je sens que la fin de l’occupation capitaliste est proche. Les gens ont enfin compris que les banques, les compagnies pétrolières, la grande distribution n’étaient pas nos alliés et qu’il fallait les repousser hors de nos frontières ! Ainsi, cela provoquera un grand exode des banquiers qui seront obligés d’émigrer ailleurs. Les autres pays s’indigneront : « Nous ne pouvons pas accueillir tous les banquiers du monde ! », la haine anti-banquier explosera, les gens voteront extrême gauche et ce sera la fin du capitalisme dans le monde entier !

Quel génie ce Bernard ! Allez, soyons tous derrière notre leader : « Bernard, automobiliste en colère, président ! Bernard, automobiliste en colère, président ! » (Il faudra peut-être qu’il revoit son blaze parce que ce n’est pas évident à scander comme slogan. Essayez chez vous, vous verrez.)

Je m’imagine déjà, quand mon tour sera venu d’être Papi, raconter à mes petits-enfants, à la fin des repas de famille, qu’à notre époque il fallait travailler dur pour manger, se loger, se vêtir… et qu’en plus, il fallait se battre pour travailler, que c’était une chance (!) dont tout le monde ne bénéficiait pas. Je leur dirai que ce travail ne bénéficiait, au final, qu’à un petit nombre de personnes qui accumulaient les richesses pendant que d’autres n’avaient rien. Mais je pourrai surtout leur expliquer que tout cela est fini grâce à Bernard, automobiliste en colère, dont je vanterai encore et encore le courage et l’abnégation. Et là, mes petits-enfants me répondront « Mais ouii, on sait Papi Mati, la maitresse nous en a parlé à l’école ! » (et surtout ça fait 50 fois que tu nous le racontes. Mais ça, ils ne le diront pas car j’aurai des petits-enfants bienveillants. Ooooh je les aime déjà ! Enfin certains plus que d’autres. Ne me demandez pas pourquoi, c’est physique. Genre le petit dernier je ne peux pas le voir.)

Malheureusement, je crois que je m’emballe un peu et que tout ça est irréel. Au risque d’endosser le rôle de collabo, j’ai bien peur que Bernard, automobiliste en colère, se trompe d’ennemi. Si on lit son discours jusqu’au bout, on remarque qu’en réalité il ne souhaite pas s’attaquer aux industries capitalistes mais plutôt « emmerder le gouvernement » (je m’excuse pour cette grossièreté mais ce sont ses termes. Après il faut bien admettre que ce franc-parler fait aussi le charme de Bernard, automobiliste en colère.) Il ne s’insurge pas contre un système politique global mais contre la hausse des taxes sur le carburant. Il veut continuer à consommer sans se poser de questions.

Attention, loin de moi l’idée de défendre le gouvernement. L’État n’est évidemment pas exempt de tout reproche. Il a longuement encouragé un système, en allégeant les taxes sur le diesel, dont il doit désormais colmater les brèches, en faisant face à une multiplication des cancers liés à la pollution de l’air. C’est le serpent qui se mord la queue (est-ce que se mordre la queue peut être considéré comme de la masturbation ?). Et puis il fait mine de prendre conscience du drame écologique sans proposer aucune alternative viable (style trottinettes ou balais volants).

Mais là où mon rêve s’effondre et vire au cauchemar, c’est que ceux qui vont être bénéficiaires de ce blocage et de cette grogne, ce sont justement les grandes entreprises. Leclerc a déjà annoncé que jusqu’à fin novembre, il vendrait le carburant à prix coûtant, sans faire de marge… Il faut bien admettre qu’un tel opportunisme force l’admiration.

Bilan de l’histoire : le gouvernement passe pour le méchant, les entreprises passent pour les gentils, les gens vont voir leur pouvoir d’achat diminuer et la prise de conscience écologique n’a pas avancé… Donc le 17 novembre je serai effectivement derrière Bernard, automobiliste en colère… parce qu’il me bloquera la route.

 

Mati.

« Mais attends, il existe vraiment ce Bernard ?
Je ne sais pas moi, demande-lui !
C’est qui « lui » ?
– Bah Mati…
– Mais c’est moi Mati !
– Ah ok très bien, donc je me parle tout seul en fait. »

6 réflexions sur « Le 17 novembre, tous derrière Bernard, automobiliste en colère ! »

  1. Pour ce qui est des alternatives, il y en a, tu en as cité quelques unes, mais elles demandent de faire des efforts, de se sortir les doigts, de changer ses habitudes.
    Après je pense que c’est universel mais quand on profite d’un certain confort on a du mal à s’en défaire. Le coup de la bagnole c’est comme passer d’un matelas deluxe au futon japonais, difficile de passer à moins confortable.

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    1. Il est vrai que pour le moment les alternatives peuvent être repoussantes. Il faut soit être prêt à fournir soit-même l’énergie (vélo), soit accepter de partager son espace avec d’autres (transports en commun). Dans les deux cas, l’inconfort est garanti et en plus cela n’est envisageable que pour ceux qui habitent en ville. Mais bon, les réserves de pétrole atteignant leurs limites, nous n’aurons bientôt plus le choix ! L’avenir des gros campagnards s’annoncent sombre !

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      1. Elles le sont, à tel point qu’on en est en là en fait, c’est dommage car on s’érige nos propres barrières. Après, si on parviens à se donner un coup de pied aux fesses on peut adapter le mode de transport à sa situation, même si ça peut être par exemple 50% voiture 50% autre mode de transport.
        Pour les campagnards isolés la question se pose déjà et bien avant qu’on se rende compte que le coco sera pas open bar ad vitam. Ça se voit moins car la majorité de la population habite en ville, mais ce n’est pas une raison

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